Chacun a ses idées pour commercialiser les diamants naturels

Rob Bates

Dans une quête constante pour gagner des parts de marché, le Natural Diamond Council a eu recours à des publicités de plus en plus provocantes, dans le but de différencier les diamants naturels de leurs homologues synthétiques. Une publicité récente affirmait avec audace que les diamants naturels avaient du « chien », tandis que les pierres synthétiques n’avaient que du « charme ». Ce marketing agressif a suscité un vif débat, certains allant jusqu’à encenser cette riposte nécessaire, alors que d’autres critiquaient le fait qu’elle dévalorise les consommateurs qui optent pour des diamants synthétiques. La question demeure : cette approche agressive va-t-elle conquérir les cœurs et les esprits, ou repousser les acheteurs potentiels sur un marché déjà divisé ?

L’histoire a été souvent racontée : une nuit de 1947, Frances Gerety, rédactrice pour l’agence de publicité N.W. Ayer, avait travaillé jusqu’à 4 heures du matin sur la nouvelle campagne publicitaire de De Beers. Elle en avait rédigé le contenu, mais il lui manquait encore le slogan. Les yeux fatigués, elle s’est écriée : « Mon Dieu, donnez-moi une idée », puis elle a griffonné : « A Diamond is Forever » sur un bout de papier et s’est endormie.

Aujourd’hui, certains acteurs du secteur du diamant aimeraient recevoir un tel cadeau du ciel pour relancer la demande de pierres naturelles. Il est certain que le marketing des diamants n’a jamais été simple ; même à la grande époque de De Beers, il a connu toute une série de ratés. Or, le marketing est plus complexe aujourd’hui, car les « diamants naturels » constituent une nouvelle catégorie de produits (on ne parle plus seulement des « diamants »).

Les diamants synthétiques se sont positionnés comme un concurrent sérieux et durable, attrayant pour les consommateurs. Les miniers et les négociants sont évidemment frustrés de perdre des parts de marché au profit des diamants synthétiques, notamment sur le segment des bagues de fiançailles. Les pays producteurs craignent un effondrement de leur économie, ainsi que le chômage pour des millions de personnes. Tout le monde est en quête d’une solution.

La semaine dernière, Michael Schechter, vice-président des services numériques de Jocalio, a publié sur LinkedIn une photo de quatre publicités du Natural Diamond Council (NDC), qu’il a vues dans le centre de Manhattan. L’une d’elles expliquait que les diamants naturels avaient du « chien», tandis que les diamants synthétiques n’avaient que du « charme ».

Ce message du Natural Diamond Council n’a pas plu à tout le monde.

 (Photo publiée avec l’aimable autorisation de Michael Schechter)

Michael Schechter s’est insurgé. « Notre industrie vaut bien mieux que cela, a-t-il écrit. Il existe une façon honnête de comparer et de différencier ces deux catégories et ce n’est pas ainsi que l’on procède. »

Sa publication a suscité plus de 150 commentaires, la plupart d’entre eux le soutenant. Leah Meirovich, journaliste à Rapaport, a également abondé dans son sens, en se demandant dans une chronique si la publicité pour les diamants naturels avait « basculé dans l’invraisemblable ».

En revanche, dans une lettre adressée à Rapaport au nom de la Diamond Manufacturers and Importers Association, le diamantaire Hertz Hasenfeld a qualifié les messages d’indispensables. « Ce n’est pas de la « médisance » que de faire une déclaration claire, créative et culturellement pertinente, qui explique pourquoi les diamants naturels sont uniques, rares et ont du sens, a écrit Hertz Hasenfeld dans la lettre qu’il a partagée avec le JCK. Le NDC et d’autres commencent enfin à réagir face à un narratif dangereux. Cela aurait dû être fait depuis longtemps. »

Je comprends ce sentiment, mais je ne suis pas vraiment adepte de ces affiches. Les publicités « comparatives » ont peut-être une raison d’être ; les vendeurs de diamants synthétiques en ont d’ailleurs bien profité. Mais celles qui nous occupent semblent mépriser les diamants synthétiques, un produit choisi par des millions de consommateurs, qu’on le veuille ou non. Nous devons respecter leur décision. Et qui sait ? Peut-être qu’un jour, ces consommateurs achèteront eux aussi des diamants naturels. (Certains achètent déjà les deux.) L’industrie du diamant naturel devrait s’efforcer d’attirer les clients des diamants synthétiques, et non de les repousser.

Depuis, j’ai su que ces publicités du NDC étaient un essai de « guérilla marketing » à petit budget, diffusé uniquement à New York. Compte tenu des réactions négatives publiées sur LinkedIn, le site web qui était cité – whichdiamondareyou.com – a été supprimé.

La situation illustre non seulement l’influence des réseaux sociaux, mais aussi, curieusement, le pouvoir d’une publicité physique. Si ces publicités avaient été publiées en ligne, les gens auraient peut-être levé les yeux au ciel, puis fait défiler l’écran. Or, lorsqu’elles sont affichées dans la rue, au vu et au su de tous les passants, elles semblent avoir plus de « poids ».

L’incident illustre également le dilemme actuel du secteur des diamants naturels. Depuis quelques mois, le secteur s’interroge sur l’intérêt d’afficher une « attitude négative » et de vanter l’origine des pierres précieuses. Chacun sait qu’il faut désormais vendre les diamants naturels à une nouvelle génération. Les avis divergent toutefois sur la manière de procéder.

David Sherwood, le PDG de Daniel’s Jewelers, estime que chaque diamant naturel devrait porter une marque visuelle distinctive. Maarten de Witte, tailleur de longue date, a redit son leit-motiv sur Facebook : personne ne sait vraiment comment sont fabriqués les diamants naturels. Contrairement aux pierres conçues en laboratoire, les diamants naturels sont issus des profondeurs de la Terre, de lieux que nous n’avons jamais vus. Nous savons qu’ils finissent sous forme de carbone cristallisé, mais nous ignorons s’ils se forment à partir d’un gaz, d’un liquide ou d’un solide, tout comme le temps que cela prend. C’est un mystère. Les diamants naturels ont quelque chose de magique. Si on les compare à toutes les autres pierres précieuses naturelles, leurs caractéristiques sont exceptionnelles. Peut-être même sont-ils un peu surnaturels.

Le carbone est la clé de voûte de la vie sur Terre et le diamant en est sa forme la plus pure. Pourquoi ne pas établir ce lien ? Pour autant que nous le sachions, la Terre a cessé de produire des diamants il y a bien longtemps. En voilà une belle histoire d’origine à raconter !

« Nous devons évoquer ce que représentent les diamants naturels en suscitant l’émotion, explique Maarten de Witte au JCK. Si tout se résume à une question de couleur, de pureté et de poids-carat, où est la magie ? »

Tous ces concepts sont aussi fascinants les uns que les autres et peuvent nous permettre de promouvoir les diamants naturels. Il en existe encore bien d’autres, qui peuvent passer par la provocation ou la célébration.

J’ai imaginé mon propre scénario. L’industrie du diamant devrait s’inspirer du modèle de l’horlogerie suisse. Elle pourrait ainsi remettre au goût du jour l’idée d’un « produit-héros » et faire en sorte que les hommes se sentent fiers, et non contrariés, d’offrir une bague de fiançailles. Elle pourrait même envisager une campagne qui ressemblerait à celle-ci : « Jamais vous ne posséderez complètement une Patek Philippe. Vous en serez juste le gardien pour les générations futures. » L’idée serait d’insister sur la transmission de sa bague de fiançailles à de futurs petits-enfants. Elle pourrait même – allez, rêvons un peu – ressusciter « Shadows ». Pourtant, la seule chose que je puisse faire, c’est proposer ce genre d’idées improvisées. Je n’ai pas à les tester en situation réelle. Lorsque les rédacteurs imaginent des slogans ingénieux, ils les soumettent généralement à des groupes de discussion, qui ne réagissent pas toujours comme prévu.

Frances Gerety est décédée en 1999. Elle racontait qu’un jour, elle avait dévoilé son slogan à ses collègues, slogan devenu un classique par la suite. Elle « n’était pas très emballée, et personne ne s’est vraiment enthousiasmé. » Le slogan n’a révélé toute sa magie qu’une fois proposé au public.

Même si nous pouvions convaincre une Frances Gerety moderne de travailler toutes les nuits pendant une semaine, il ne faut pas espérer de solution miracle pour le marketing des diamants naturels. Celle-ci n’existe peut-être d’ailleurs pas. (Rappelez-vous, « A Diamond is Forever » n’était que le slogan. Des campagnes entières ont été développées à partir de là.) Le mieux que nous puissions imaginer serait peut-être une série de mini-campagnes, ciblant différents marchés. « Sur certaines plates-formes, les messages sur le développement durable sont très efficaces », a déclaré David Kellie, PDG du Natural Diamond Council, lors d’un groupe de travail organisé à la réunion des présidents de la World Federation of Diamond Bourses (WFDB) en juin. « Sur d’autres, ils ne fonctionnent pas du tout. »

Le secteur des diamants synthétiques ne s’est pas contenté d’un seul argumentaire. Certaines entreprises expliquent que leurs pierres sont « écologiques » et « exemptes de conflit ». D’autres évoquent la lutte contre le « cartel ». De nombreuses publicités étaient centrées sur le prix. C’est une réalité, les fabricants de diamants synthétiques ont surtout convaincu les détaillants en leur permettant de réaliser des marges plus importantes.

Nous pouvons nous féliciter que l’industrie prenne le marketing au sérieux. Les querelles en ligne, aussi exagérées soient-elles parfois, montrent que le public s’intéresse à l’affaire. Cet engouement était palpable dès la naissance de la communauté des diamants synthétiques. Il a probablement contribué à son développement. Mais permettez-moi de proposer deux types de conseils.

À mes amis du secteur des diamants synthétiques : bravo à vous d’avoir bâti une activité fructueuse, quasiment à partir de rien. Lorsque les miniers publient des publicités « négatives » à votre encontre, c’est signe de votre réussite.

Néanmoins, ne comptez pas sur la disparition des diamants naturels. Non seulement cela ferait souffrir les populations des pays producteurs – ou, pour être plus précis, cela les ferait davantage souffrir –, mais il est difficile d’imaginer que les nombreux petits détaillants puissent continuer à vivre en vendant des bagues de fiançailles à 1 000 dollars.

Les vendeurs de pierres synthétiques devraient plutôt considérer les nouvelles stratégies marketing en faveur des diamants naturels comme une opportunité. Pendant la pandémie, les ventes des deux catégories ont augmenté de concert. Tant que les deux parties ne se livrent pas à une bataille malsaine, la situation pourrait se reproduire.

À mes amis du secteur des diamants naturels : les diamants synthétiques ne sont pas seuls responsable du chaos actuel. Le NDC a été créé en 2015, avant le grand boom des diamants synthétiques. À l’époque, l’on craignait que les diamants ne perdent les faveurs de la génération Y.

Si votre activité a besoin d’un certain niveau de publicité et que cette publicité disparaît, ne vous étonnez pas si les ventes baissent. (Surtout quand d’innombrables entreprises de diamants synthétiques ont compris comment commercialiser efficacement leurs produits.) Ce n’est pas pour rien que Coca-Cola et McDonald’s, deux marques à la notoriété quasi-universelle, continuent d’investir massivement dans la publicité. Dans les années 1990, McDonald’s a réduit ses dépenses publicitaires ; ses ventes ont chuté de 28 %.

L’industrie du diamant naturel déploie désormais des efforts marketing à un rythme effréné. Le NDC dispose d’un site regorgeant d’articles, tous destinés à être partagés, ainsi que d’un centre d’enseignement. De Beers lance un nouveau « produit phare » et une nouvelle marque. Le Antwerp World Diamond Centre a développé sa propre campagne en faveur des diamants naturels. La WFDB a fait de même. Et de nombreuses autres actions marketing sont en préparation.

« Les supports ne manquent pas, qu’ils proviennent du NDC, de De Beers, du GIA ou de l’AGS, a expliqué David Kellie à l’occasion du groupe de travail de la WFDB. Le contenu est là. Nous avons les supports, les vidéos. Notre défi est de mobiliser l’armée de professionnels de cette industrie pour les promouvoir. Chacun a un rôle à jouer. »

Choisissez ce qui trouve un écho en vous ou ce qui devrait plaire à vos clients. Et si rien ne vous séduit, élaborez votre propre argumentaire. Il n’a jamais été aussi facile de faire émerger de bonnes idées.

Quoi que vous fassiez, persévérez.

« Une seule campagne réussie ne suffira pas à assurer le succès, a déclaré Lisa Bridge, présidente et PDG de Ben Bridge Jeweler, lors du groupe de travail de la WFDB. Le message doit être cohérent et l’effort doit durer dans le temps. »

La situation paraît morose, mais tout le monde admet le problème, ce qui constitue la première étape nécessaire à sa résolution. Et qui sait ? La prochaine grande idée pourrait peut-être bien nous arriver en pleine nuit.

(Photo du haut publiée avec l’aimable autorisation du Natural Diamond Council)

Source : jckonline