Deuxième fournisseur mondial de diamants, le Botswana s’impose depuis plusieurs décennies comme un exemple unique de réussite économique en Afrique.
Grâce à une gestion responsable et équitable de ses ressources naturelles, notamment par le biais d’un partenariat stratégique avec De Beers, le pays a su transformer cette richesse en levier de développement national. Aujourd’hui confronté à une conjoncture mondiale défavorable, il déploie une nouvelle stratégie pour valoriser localement sa production.
Un accord avec De Beers qui marque un tournant
Deuxième fournisseur mondial de diamants avec 15 % de la production totale, le Botswana doit son ascension économique remarquable à l’exploitation responsable de ses gisements de diamants. Ceux-ci contribuent à hauteur de 30 % de ses revenus et 75 % de ses recettes en devises, constituant un véritable levier de son développement national. Début 2025, il a renouvelé avec le groupe De Beers, partenaire déterminant dans l’économie locale du diamant, un accord portant sur le partage de l’exploitation des mines du pays. Le Botswana a qualifié ce nouvel accord d’« historique ».Il prévoit notamment qu’à moyen terme (10 ans), les deux partenaires partageraient à égalité le produit de l’exploitation du diamant. Cette décision, pour le moins « révolutionnaire » selon les termes d’Al Cook, le PDG de De Beers, confirme un engagement majeur et prioritaire du groupe minier au Botswana.
Au-delà de cet accord d’exploitation, De Beers s’engage à soutenir des projets de développement économique (environ 75 millions USD), de santé et d’éducation ou favorisant ladiversification et l’emploi ainsi que des initiatives, en particulier dans le domaine de la protection de l’environnement, de la faune (protection des espèces menacées) et de la flore comme par exemple le projet Okavango Eternal que Rubel & Ménasché a présenté dans une précédente Lettre. Concernant le développement local, De Beers investira notamment dans une unité de taille de diamants, dans un institut de formation professionnelle sur les diamants et prévoit de créer un laboratoire de certification.
Un projet ambitieux dévoilé au salon JCK Las Vegas
Sur le salon JCK Las Vegas qui s’est déroulé début juin, le Botswana a présenté House of Botswana, un espace qui mettait en avant les richesses offertes par le pays, non seulement ses diamants de renommée mondiale mais également une destination touristique de qualité et des opportunités d’investissement dans d’autres secteurs. A cette occasion, le président Duma Boko a dévoilé un projet ambitieux sur le long terme : tous les diamants provenant des mines du Botswana resteraient dans le pays pour être taillés et polis, une annonce qui signale un changement de politique majeur. « Nous arrivons à une étape où aucun minerai ne quittera ce pays sans avoir été traité », a déclaré le président du Botswana, cité par The Projects Magazine. Bogolo Joy Kenewendo, ministre des Minéraux du Botswana, également présente sur le salon JCK, constate qu’entre 2022 et 2024, la production de diamants dans son pays a diminué de 64 %. Le pays doit chercher d’autres débouchés, d’autres sources de richesse complémentaires de celle de la vente du diamant brut. « Nous voulons nous assurer que davantage de nos partenaires viennent ici, que lorsque nous affirmons que le Botswana est le centre du monde du diamant, il le devienne véritablement. Il y a la valorisation, la taille, le polissage, la joaillerie, le commerce, non seulement des diamants, mais aussi d’autres pierres précieuses, comme il (le président Duma Boko – NDLR) vient de l’annoncer [lors de la réunion de la WFDB à New York] : nous travaillons à la création d’une Bourse de commerce du Botswana afin de garantir la valorisation maximale de nos minéraux, non seulement au Botswana, mais aussi dans la région. »
S’adapter à une crise structurelle profonde
Le Botswana subit de plein fouet la crise du marché du diamant, qui l’a contraint à interrompre la production des mines de Jwaneng Cut-9 et Orapaet réduire la production de Debswana (la joint-venture entre De Beers et le gouvernement du pays) de 27 % à 17,93 millions de carats en 2024. Debswana, qui représente environ 90 % des ventes de diamants du Botswana, a enregistré une baisse de 46 % de son chiffre d’affaires. Malgré ces pertes considérables pour son économie, le pays continue de faire référence en matière de bonne gouvernance et de gestion redistributive dans le secteur du diamant, comme le montre le rapport du Natural Diamond Council. Souvent érigé en modèle de développement responsable, le pays, aujourd’hui conscient de ses faiblesses conjoncturelles, cherche à développer d’autres voies. La transformation du diamant brut localement est un projet innovant et susceptible de devenir un relai de croissance. « Si Dubaï (le DMCC) est capable de transformer le diamant alors qu’il n’en produit pas, pourquoi ne serions-nous pas capables de le faire ? » argumente la ministre Bogolo Joy Kenewendo. Le Botswana n’a pas attendu les turbulences du marché pour prendre de nouvelles initiatives. Il a créé récemment Botswanamark™, un label s’appliquant aux bijoux dont les diamants proviennent de ses mines de Jwaneng, Orapa et Letlhakane. L’origine des pierres est certifiée et les clients peuvent suivre le chemin du diamant depuis le brut d’origine. Le sourcing, la traçabilité et l’éthique sont des termes qui s’imposent avec force dans la stratégie du Botswana qui, soutenu par De Beers et Tracr et déjà auréolé d’une très bonne réputation, entend bien capitaliser sur le nouveau marketing de l’origine. Dans son discours à La Vegas, le président Duma Boko soulignait son ambition de placer son pays au cœur d’un « luxe éthique » qui ne se résumerait plus « à ce que l’on porte mais à ce qu’il représente ».
Un rapport du Plumb Club semble lui donner raison, observant que que les clients sont prêts à payer plus cher pour un bijou dont la traçabilité est établie de façon transparente. Une tendance qui s’amplifie notamment auprès de la jeune génération et sur laquelle se concentrent toutes les stratégies de la filière diamant. A suivre.
Il faudra sans doute du temps au Botswana pour réaliser les projets annoncés mais le pays se positionne désormais comme un acteur global de l’industrie du diamant, tourné vers l’avenir et la diversification économique.
Image : le président du Botswana Duma Boko et la ministre des Minerais et de l’Energie Bogolo Joy Kenewendo inaugurent la House of Botswana au JCK Show ©DBgovernment