L’impact du contrat de De Beers avec le Botswana sur l’industrie du diamant

Rob Bates

Lors du récent salon JCK, je me suis entretenu avec deux des personnalités les plus influentes de l’industrie du diamant botswanaise : Mmetla Masire, PDG d’Okavango Diamond Company (ODC), la société nationale de vente de diamants, et Andrew Motsomi, directeur général de Debswana, la joint-venture entre De Beers et le Botswana qui supervise les mines de De Beers dans le pays.

Mmetla Masire et Andrew Motsomi ont évoqué l’impact du nouveau contrat de 10 ans entre le Botswana et De Beers sur le commerce des diamants du pays, la possibilité d’un revirement du secteur des diamants naturels, l’avenir de la commercialisation des diamants et leurs activités au JCK.

Quel pourcentage de la production de Debswana Okavango vend-elle actuellement ?

Mmetla Masire : Nous sommes actuellement à 30 % [contre 25 % auparavant]. Nous maintiendrons ces 30 % pendant cinq ans, puis ce sera 40 %, et finalement 50 %.

De nombreux Botswanais souhaitaient qu’ODC obtienne une part des ventes plus importante. Je comprends bien que Debswana est un partenariat à 50/50, mais on peut supposer que De Beers perçoit une marge lorsqu’elle vend sa part de la production de Debswana et qu’ODC reçoit la sienne sur la vente de ses pierres. Combien le Botswana gagnera-t-il de plus en vendant ses diamants par l’intermédiaire d’ODC ?

Mmetla Masire : Vous partez du principe qu’une vente est toujours rentable. Sur un marché comme celui-ci, il n’est pas forcément avantageux de vendre la plus grande part. Bien sûr, toutes choses étant égales par ailleurs, celui qui détient la plus grande part gagnera davantage d’argent. Or, parfois, celui qui détient la plus grande part devra assumer des pertes et chercher à les minimiser. Il y a donc des avantages et des inconvénients.

Mmetla Masire, PDG d’Okavango Diamond Company (photo publiée avec l’aimable autorisation d’Okavango)

ODC vendra-t-elle ses diamants bruts selon des modalités particulières ? Je sais que vous avez organisé des tenders pendant un temps.

Mmetla Masire : Oui, nous organisons des enchères, mais dès septembre, nous introduirons des contrats. Nos clients ne seront pas des « sightholders », cette appellation est propre à De Beers. Nous parlerons de « contrats d’approvisionnement ».

Envisagez-vous d’adopter la même approche que De Beers ?

Mmetla Masire : Nous agirons différemment. Nous disposons de notre propre approche. Nous avons toujours été différents dans notre façon de concevoir la vente ; même notre système d’enchères est différent. Il n’est pas surprenant que nous nous démarquions totalement de De Beers. Nous élaborons actuellement nos critères de sélection et un nouveau modèle de tarification. Je ne peux pas donner beaucoup de détails, car rien n’est encore finalisé.

Le Botswana est censé consacrer beaucoup plus d’argent au marketing.

Mmetla Masire : Aux termes du nouvel accord, le gouvernement botswanais et De Beers devraient partager les dépenses, conformément à la répartition des ventes de diamants bruts de Debswana. Désormais, le gouvernement financera 30 % des frais de marketing, avec une contribution d’ODC. Ainsi, sur les 100 millions de dollars annoncés, 70 millions proviendront de De Beers et 30 millions du gouvernement botswanais.

Le Botswana aura-t-il davantage son mot à dire sur la commercialisation des diamants ?

Mmetla Masire : C’est un comité mixte qui détermine le budget marketing. Il sera composé de responsables des deux parties. Le Botswana aura son mot à dire pour la commercialisation.

Souhaitez-vous qu’une partie de cet argent soit affectée à la promotion des diamants botswanais ?

Andrew Motsomi : Les deux actionnaires de Debswana s’efforcent de diffuser lentement et progressivement le message de la provenance. ODC mettra spécifiquement en avant les diamants naturels du Botswana. Je ne pense pas que cela soit incompatible avec les actions menées par De Beers. L’objectif global reste le même.

Andrew Motsomi, directeur général de Debswana (photo publiée avec l’aimable autorisation de De Beers)

Vous avez annoncé que les diamants d’Okavango seraient vendus via Tracr.

Mmetla Masire : Tous les diamants de trois grains et plus que nous recevons de Debswana feront l’objet d’un suivi. Nous collaborons donc avec Debswana, car le narratif n’est fiable que s’il est juste dès le départ. Nous sommes en mesure d’effectuer des vérifications, et le client a l’assurance que les diamants ODC sont authentiques, dès leur extraction de la mine.

Nous sommes également associés à certains tailleurs. Ainsi, l’achat d’un de leurs diamants est assorti d’un code QR qui vous donne accès à l’historique de la personne qui a travaillé sur le diamant, une photo, un petit clip, ainsi qu’une présentation du Botswana et de l’impact des diamants sur le pays. Cette situation sera de plus en plus commune : lors d’un achat, le consommateur recevra, en plus du certificat du GIA, un code QR à scanner.

Constatez-vous un retournement de tendance sur le marché ?

Mmetla Masire : Le marché est plus solide actuellement. Nous avons enregistré de bons résultats lors des trois dernières ventes. Ce qui nous préoccupe, c’est ce qui occupe l’esprit de tout le monde : les droits de douane, car cela engendre de l’incertitude. Le problème réside donc plutôt dans l’incertitude.

Que pouvez-vous nous dire sur la vente de De Beers ?

Andrew Motsomi : Pour l’essentiel, nous souhaitons que la continuité soit assurée. Le gouvernement et De Beers ont signé un accord, que nous espérons voir maintenu.

L’Angola possède un stand au JCK. Considérez-vous ce pays comme un concurrent, ou pensez-vous qu’il a raison d’essayer de suivre votre modèle ?

Andrew Motsomi : Évidemment, comme l’a annoncé Al Cook, le PDG de De Beers, lors du petit déjeuner, le pays est leur principal domaine d’exploration[ef1] . L’Angola est aussi membre de la SADC qui exploite ses ressources, ce qui peut également contribuer à améliorer les conditions de vie de la population angolaise. Je ne vois pas vraiment en quoi cela devrait nous gêner.

Mmetla Masire : Nous nous qualifions de « concurrent collaborateur ». Nous avons des intérêts en commun. Nous discutons tous des mêmes sujets. En ce moment, tout le monde s’accorde sur la nécessité de faire beaucoup de marketing. Toutes les parties prenantes se rassemblent donc. Parfois, on met de côté son esprit de compétition pour le bien commun, pour mieux se concurrencer par la suite.

Quels sont vos objectifs lors d’un salon comme celui-ci ?

Mmetla Masire : Nous nous adressons à un large public. Parfois, il nous faut une vision claire du marché. En effet, nous dépendons des tailleurs pour connaître l’avis des détaillants, car nous ne traitons pas directement avec eux.

Nous ne sommes pas confrontés aux diamants synthétiques. Mais ici, nous pouvons voir de quoi il s’agit et interagir. Nous constatons les baisses de prix concrètes, ce qui est également utile. Cela nous permet de prendre le pouls de l’industrie et de comprendre ce qui se passe.

Mon lectorat est principalement composé de détaillants de bijoux américains. Avez-vous un message à leur faire passer ?

Andrew Motsomi : Il existe une technologie qui permet de distinguer entre diamants naturels et diamants synthétiques. S’ils la déploient, cela pourrait nous aider à faire savoir aux consommateurs ce qu’ils achètent, notamment lorsque nous parlons des diamants naturels et que nous proposons un narratif à ce sujet.

Mmetla Masire : Nous souhaitons encourager un dialogue beaucoup plus ouvert. Nous disposons des connaissances et des informations quant aux opérations qui se passent à la mine. Les détaillants sont davantage en contact avec le consommateur. Nous parlons avec les tailleurs et les intermédiaires. Nous souhaitons maintenant promouvoir une communication plus ouverte et directe avec les détaillants.

(Photo du haut : Getty Images)

Source : jckonline