Les sociétés exploitent les nanotechnologies, la blockchain, l’apprentissage automatique et bien d’autres innovations pour faciliter le suivi des pierres.
Il y a quelque temps de cela, les clients du secteur des bijoux considéraient l’authenticité, la valeur, la durabilité et la rareté comme des critères essentiels lors du choix d’un diamant ou d’une pierre précieuse. La traçabilité, de la mine jusqu’au marché, était souhaitable, mais pas indispensable. En 2025, l’origine et le parcours d’une pierre sont devenus des éléments essentiels pour de nombreux clients.
Plusieurs sociétés ont ainsi développé des solutions de traçabilité destinées à accroître la transparence de la filière des pierres et des bijoux et inspirer confiance aux acheteurs. Ces solutions ont pour objectif de prévenir le vol et la fraude, de garantir le respect des sanctions géopolitiques et des blocus commerciaux (tels que les restrictions imposées par les États-Unis et l’UE sur les diamants russes) et de certifier l’origine éthique des pierres.
Deux approches générales s’appliquent en matière de traçabilité : la traçabilité physique, qui consiste à marquer les pierres, et la traçabilité numérique, qui s’appuie sur des déclarations, des blockchains et des technologies de scannage.
Un test de paternité
Plusieurs solutions existent pour tracer physiquement une pierre précieuse, de la mine jusqu’au marché, en sachant qu’elle doit passer par des étapes de taille et de polissage, ainsi que par de multiples plates-formes de vente et de marketing. Certaines sociétés emploient des techniques innovantes dans ce domaine.
En 2017, le laboratoire Gübelin Gem a lancé « Emerald Paternity Test », un test qui consiste à appliquer des nanoparticules à base d’ADN personnalisé sur des cristaux d’émeraude bruts, directement à la mine. La société immerge les émeraudes brutes dans un bain de nanoparticules, lesquelles s’incrustent dans les émeraudes, criblées de fissures et de fractures, suffisamment profondément pour résister aux opérations d’amélioration et de taille. Les informations codées dans les nanoparticules sont récupérables à tout moment, ce qui permet de remonter jusqu’au minier. Le processus est inadapté aux rubis ou aux saphirs, la plupart subissant un traitement thermique qui détruit ces particules.

La première société à participer au test de paternité des émeraudes a été le minier Gemfields. « Depuis le lancement de ce programme, Gemfields a vendu plus de 110 kg d’émeraudes brutes marquées, soit 18 % du volume proposé lors de nos enchères exclusives », rapporte Adrian Banks, directeur général des produits et des ventes du minier.
Le succès de ce test de paternité a conduit Gübelin à créer une filiale indépendante, Provenance Proof, qui a récemment lancé une solution de traçabilité pour le mêlé taillé. Son premier client a été le tailleur KGK Suisse.
Pour sécuriser le processus au maximum, « les nano-traceurs sont réservés aux sociétés qui s’approvisionnent directement auprès des mines et soumettent l’ensemble de leur flux de production à des audits externes et à Provenance Proof, explique Klemens Link, directeur de Provenance Proof. Les nano-traceurs sont appliqués en usine, sous surveillance, immédiatement après la taille des diamants. Un ADN unique est attribué à chaque filière de production, en fonction de la source. Provenance Proof réserve l’utilisation de son système aux diamants arrivant de la mine sous scellés. »
La blockchain Provenance Proof enregistre l’ouverture du sceau ainsi que l’ensemble du processus qui s’ensuit, sous la surveillance de l’auditeur externe, explique-t-il.
Davantage qu’une simple vérification
Une autre initiative est proposée par DiaDNA, une jeune entreprise qui exploite l’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage automatique pour développer un nouveau type de test de paternité. Cet outil scanne les diamants bruts au niveau atomique, puis les pierres taillées. Il les rapproche alors des pierres brutes d’origine grâce à l’IA qui analyse et compare leur composition atomique.
« Nous sommes ravis de figurer parmi les premiers à appliquer ces technologies de pointe à l’industrie du diamant. Les progrès que nous constatons sont véritablement remarquables », déclare Mayank Jain, membre du conseil d’administration de DiaDNA.

Opsydia, née en 2017 d’un projet de l’Université d’Oxford, emploie des inscriptions laser pour suivre les diamants. Parmi ses fondateurs figurent des universitaires et des chercheurs de renom dans les domaines du laser et de l’optique. L’entreprise a développé des machines permettant de graver des nano-identifiants sous la surface des pierres taillées et polies. Ces marquages se révèlent microscopiques et inviolables, ils n’ont aucun impact sur la certification de la pureté et ne peuvent être extraits qu’en retaillant la pierre, une opération peu rentable, selon l’entreprise. Cependant, le produit n’en est qu’aux phases de test et n’est pas encore disponible sur le marché.
Une autre solution est la plate-forme blockchain publique Authentia, protégée par un brevet. Créée par Bruno Scarselli, spécialiste des diamants de couleur, elle permet d’insérer des nanomarqueurs brevetés sous la surface pour suivre le parcours d’un diamant depuis la mine. Elle est accompagnée d’une application mobile qui, selon la société, peut lire les informations codées dans le diamant.
« Présente à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement, notre plate-forme est compatible avec toutes les technologies et peut employer divers systèmes de sécurité tels que les nano-étiquettes, les marqueurs chimiques, les puces et les codes », explique la société sur son site Web.
Partage de données
En termes purement numériques, de nombreuses sociétés proposent des solutions blockchain. Bien entendu, l’intégrité de ces registres numériques dépend de la rigueur de ceux qui saisissent les données ; toute intervention humaine est source de risques. Cependant, certains systèmes sur le marché s’efforcent de minimiser ces risques.
En février, Sarine Technologies, un fabricant d’équipements pour la planification, le traitement, la mesure, la certification et le commerce des diamants et des pierres, a annoncé un accord de collaboration avec Tracr, filiale de De Beers Group, une plateforme blockchain dédiée aux diamants, qui enregistre les diamants bruts à la source. Depuis 2018, Tracr scanne les diamants bruts, principalement dans les mines de De Beers. Quant à Sarine, elle scanne les diamants bruts et taillés depuis 2009 au service de sa propre clientèle. Sarine traite plus de 100 millions de diamants par an et, au moment de la publication de cet article, Tracr recensait plus de 25 % de la valeur mondiale des diamants bruts sur sa plateforme.

Ce nouvel accord permet d’associer les atouts des deux sociétés au sein d’un programme unique de traçabilité, de la mine jusqu’au marché. « Contrairement à la plupart des solutions de traçabilité qui reposent sur les déclarations des organismes tout au long de la filière, la synergie entre la technologie avancée de scannage et d’identification de Sarine et la plate-forme blockchain de Tracr, associée aux algorithmes de vérification des deux parties, offre une solution de traçabilité objective, algorithmique et aussi bien évolutive que très efficace », ont déclaré les deux partenaires dans le communiqué.
L’un des avantages évident de cette solution est sa simplicité d’utilisation. Compte tenu du fait que de nombreux tailleurs utilisent déjà les systèmes de Sarine et travaillent avec les diamants de De Beers, les coûts et les délais d’intégration du programme sont minimes.
Débuter dans la joaillerie
Évoluant de l’univers des pierres précieuses jusqu’aux bijoux qui en sont parés, la start-up technologique singapourienne Experloop a développé une micropuce en or (brevet en attente) que les bijoutiers peuvent intégrer de façon définitive dans des objets précieux comme des bagues, des colliers et des montres. Michael Koh, fondateur de la société, est également designer, PDG et créateur de la marque de joaillerie Caratell.
« Nous avons constaté que de nombreux bijoux nous étaient confiés dans le cadre d’un héritage, explique-t-il. Lorsqu’une personne décède brusquement, ses proches héritent des bijoux, mais ils n’en connaissent pas la valeur réelle et ne disposent pas des documents nécessaires. S’ils s’adressent à un bijoutier peu scrupuleux, ils risquent de se faire escroquer. La puce électronique intégrée aux bijoux permet à toute personne qui hérite d’un bijou ou en trouve un d’accéder facilement à des informations essentielles sur sa valeur et de l’authentifier. »

Dans le secteur du B2B, le système d’Experloop, compatible avec un traceur GPS, peut également aider les fabricants de bijoux à gérer leurs stocks, car nombre d’entre eux confient des marchandises en consignation aux détaillants. Michael Koh est en quête de partenariats avec des sociétés technologiques et des investisseurs pour commercialiser son produit à l’international.
Parallèlement, la marque de haute joaillerie dano-israélienne Elhanati s’est associée à Botswanamark, une société qui utilise la blockchain pour proposer à ses clients des diamants extraits au Botswana, puis taillés dans des usines pré-approuvées en Afrique et en Inde.
Maintenir la dynamique
Pour qu’une solution soit efficace et durable, elle doit être pratique et rentable.
Des laboratoires comme le Gemological Institute of America (GIA) et le Swiss Gemmological Institute (SSEF) proposent des produits de traçabilité, mais qui ne concernent que les diamants bruts et les pierres qui leur ont été envoyés pour un scannage. Cette méthode peut être efficace pour le traçage des pierres importantes, mais n’est pas applicable à l’ensemble de la filière.
La vérification qui peut avoir lieu en présence du client est également importante. À cette fin, des entreprises comme Sarine, DiaDNA et Opsydia développent des visualiseurs que leurs clients peuvent utiliser dans les points de vente. Cependant, le coût reste problématique ; pour être adoptés à grande échelle, ces systèmes doivent devenir plus abordables qu’à l’heure actuelle.
La chaîne d’approvisionnement des diamants, des pierres et des bijoux est vaste et fragmentée. Le secteur doit normaliser ses protocoles de traçabilité, et les parties prenantes doivent collaborer si elles veulent s’assurer que la traçabilité ne soit pas une simple allégation marketing, mais une réalité vérifiable.
Image principale : Une bague Elhanati en or 18 carats, ornée d’un diamant Botswanamark traçable de 5 carats (Elhanati).
Source : Rapaport