Au cœur de Tracr, la plate-forme Blockchain de De Beers

Rob Bates

Comme tout bon outil technologique, Tracr, la plate-forme Blockchain en cours de développement par De Beers, a pour but de résoudre des problèmes. [:]Le fait notable à propos de cette technologie, c’est qu’elle cherche à atténuer pas moins de cinq casse-têtes récurrents de l’industrie, de la détection des synthétiques à la conformité « Know Your Customer » (KYC, Apprenez à connaître votre client).

Après un panel de discussion lors du JCK Las Vegas de cette année, deux des personnes à l’origine de cette nouvelle plate-forme ont proposé un aperçu  portant sur les objectifs et les buts de cette initiative de l’industrie qui fait tant parler.

À l’origine, Tracr n’est qu’une nouvelle plate-forme qui suit les diamants tout au long de la chaîne de valeur, de la mine jusqu’au comptoir de la boutique. À première vue, il n’y a là rien de révolutionnaire car de tels programmes existent déjà.

Toutefois, la plupart de ces programmes s’appuient sur des dossiers tenus par les sociétés. Tout comme le programme Mine to Market du Gemological Institute of America, Tracr espère faire appel à des données scientifiques pour identifier chaque diamant de façon unique en développant ce qu’il appelle un identifiant diamantaire international.

« Nous pouvons choisir 200 caractéristiques différentes présentes dans chaque pierre, a expliqué Deepak Gopalakrishna, directeur des projets Blockchain internationaux pour BCG Digital Group, qui aide à développer la plate-forme. Ce que nous utilisons, c’est un sous-ensemble de ces caractéristiques pour créer une signature unique. »

Deepak Gopalakrishna affirme que, pour suivre un diamant tout au long de la chaîne de valeur, il faut résoudre trois problèmes différents : il faut déterminer les caractéristiques qui identifient une pierre brute de façon unique, il faut ensuite faire la même chose pour un diamant taillé et, le plus difficile, il faut réussir à faire correspondre la pierre taillée à la pierre brute dont elle provient.

« Ces trois problèmes ont des solutions différentes qui utilisent des caractéristiques différentes, explique Deepak Gopalakrishna. Nous disposons de solutions opérationnelles pour les trois. »

Il n’a pas révélé la façon dont ces solutions fonctionnent, faisant remarquer qu’elles sont toujours en phase de test. Mais il considère que la solution Tracr est supérieure à toutes les autres.

Dans sa phase pilote, Tracr a pu suivre et correctement identifier 200 diamants différents. Actuellement, la plate-forme ne peut suivre que les pierres brutes à partir de 2 carats, même s’il espère qu’elle fonctionnera ensuite sur des pierres de n’importe quelle grosseur.

Vous avez peut-être remarqué que, pour l’instant, le rôle de Blockchain n’a pas vraiment été mentionné. Feriel Zerouki, la vice-présidente senior de De Beers pour les relations internationales et les initiatives éthiques, explique que sa société a effectué de nombreuses recherches sur la façon d’étayer les données et qu’elle a finalement opté pour Blockchain, qui assurait une « source de vérité unique », comme on dit dans le jargon.

« Pour proposer ce que Tracr entend proposer, nous avons compris qu’il fallait utiliser Blockchain », affirme-t-elle.

Lorsqu’on entend parler d’initiatives de suivi des diamants, certains se demandent souvent quel est le but, puisque la grande majorité des consommateurs ne se préoccupe pas de savoir d’où provient leur diamant. Mais Feriel Zerouki estime que le suivi des diamants pourrait apporter des avantages allant au-delà de la confiance des consommateurs.

Imaginons par exemple que vous vouliez vous assurer que les pierres que vous vendez sont naturelles. Pour l’instant, chaque étape de la filière a besoin de son propre protocole de test.

« Lorsque nous avons interrogé des personnes sur les difficultés qu’elles rencontraient dans l’industrie, tout le monde nous répondait : « Combien de fois dois-je faire tester ce produit ? », explique-t-elle. Cela augmente fortement les coûts. »

Mais si vous aviez des informations basées sur Blockchain indiquant que la pierre est naturelle, quelle que soit l’étape de son parcours, vous n’auriez pas besoin de tests répétés.

Par ailleurs, comme Tracr sera « réservé » aux sociétés qui respectent certains critères d’audit, il pourrait aider les sociétés à remplir leurs obligations KYC envers les banques et offrir une garantie de transparence aux banques sur la provenance des diamants.

Deepak Gopalakrishna souligne que Tracr assurera aux utilisateurs un contrôle total sur leurs données. Ainsi, par exemple, un négociant peut empêcher un détaillant de savoir quelles sont les sociétés qui ont vendu un diamant donné dans la chaîne de valeur.

Tracr veut également offrir au marché la capacité de « conter l’histoire » de l’origine d’un diamant.

De Beers a récemment suscité la controverse avec sa politique consistant à refuser aux acteurs en aval la possibilité de savoir si leurs diamants provenaient de De Beers. Mais, au moins pour ce qui concerne les diamants du programme Tracr, De Beers affirme être prête à divulguer le pays d’origine.

Il s’agit d’un revirement pour la société qui vend généralement des diamants issus de ses mines sous forme d’assortiments mixtes, ne laissant que peu de place à la connaissance de la provenance. (Rio Tinto, au contraire, sépare généralement ses assortiments par pays.) Toutefois, si De Beers recueille des données sur le brut au niveau de la mine, elle peut associer chaque pierre à son pays, tout en combinant ses assortiments, explique Feriel Zerouki.

La question plus vaste, qui n’a toujours pas trouvé de réponse, est de savoir quelle quantité d’informations communiquer aux clients. Si elle le souhaite, De Beers a la possibilité d’identifier chaque pierre d’après sa mine. Elle peut même identifier le camion utilisé à la mine. Reste à savoir dans quelle mesure les clients s’intéressent à ces données.

« Les gens pensent qu’ils veulent tout savoir, jusqu’à ce que vous les informiez », affirme Feriel Zerouki. Selon elle, cette question ne pourra être résolue qu’en effectuant des tests auprès des consommateurs.

Bien entendu, Tracr n’est pas le seul projet Blockchain qui existe. Everledger, société Blockchain de l’industrie, étudie également des solutions de traçabilité. C’est également le cas de Richline.

Feriel Zerouki affirme que la différence réside dans le fait que De Beers souhaite que Tracr devienne une initiative de toute l’industrie qui sera, au final, régie par une fondation indépendante, et non par De Beers.

« L’objectif ultime de Tracr est de devenir la solution de traçabilité de l’industrie diamantaire, explique-t-elle. Pour qu’il en soit ainsi, il ne doit pas être le projet d’un seul acteur. Il faut que tous les miniers participent, y compris les mineurs artisans. »

(ALROSA, deuxième plus gros producteur de diamants au monde, a déclaré qu’elle envisageait de participer.)

Même si certains ont exprimé un certain scepticisme à cet égard, Feriel Zerouki fait remarquer que la société était à la base d’autres solutions de l’industrie, comme le Kimberley Process et le Responsible Jewellery Council.

« Nous croyons vraiment, explique-t-elle, que cette plate-forme fera revenir la confiance au sein de l’industrie et augmentera la foi dans la catégorie « diamants » tout entière. »

Source JCK Online